Robert Normandeau

Robert Normandeau

PARTENAIRE DE SAISON

normandeau

Né en

1955

Œuvre au programme

Tunnel azur

Concert

11 août et 20, 22 et 23 octobre 2016

Robert Normandeau est sans doute l’un des plus importants et des plus estimés électroacousticiens de la scène québécoise actuelle. Diplômé successivement de l’Université Laval et de l’Université de Montréal, il obtient, en 1992, le tout premier doctorat en composition électroacoustique décerné par cette dernière. Au cours de ces années, il a été l’élève de Francis Dhomont et de Marcelle Deschênes, deux importantes figures de la musique électroacoustique contemporaine.

Reçu professeur à l’Université de Montréal en 1999, Normandeau est l’auteur de près de cinquante œuvres qui lui ont valu, depuis 1986, une vingtaine de prix dans le cadre de concours internationaux de composition. Toujours en 1999, on lui décerne deux prix Opus (« Compositeur de l’année », et « Disque de l’année 1999 » – Musique contemporaine, pour son disque Figures), avant qu’il ne reçoive encore, en 2002 et en 2005, deux Masques pour la meilleure musique de théâtre remis par l’Académie québécoise du théâtre, venant de ce fait saluer sa collaboration avec les autres disciplines des arts de la scène. Cofondateur de la Communauté électroacoustique canadienne (1987) et de Réseaux (1991), une société consacrée à la diffusion des arts médiatiques, Normandeau a vu plusieurs de ses œuvres être commandées et diffusées dans les Amériques et en Europe.

On dit de la musique de Robert Normandeau qu’elle est un véritable « cinéma pour l’oreille ». Son travail, essentiellement acousmatique, transporte les auditeurs au fil d’œuvres aux sonorités souples et en constante évolution. Malgré son apparence de statisme, la musique de Normandeau est en constante transformation, comme sensible au passage du temps.

Tunnel azur a été commandé à Robert Normandeau par l’Orchestre symphonique de Montréal en vue d’un concert soulignant le 50e anniversaire de l’inauguration du métro de Montréal.

Notes de Normandeau au sujet de Tunnel azur :

À Jean-François Denis, pour son amitié.
« Tunnel Azur, c’est en fait un cinéma pour l’oreille. Il y a une histoire avec le métro comme personnage principal. Puis il y a un suspens, avec des sons très graves… Et enfin, il y a la musique du film.

Le métro, c’est aussi et surtout le tunnel, cet espace vide et mystérieux dont on ne voit presque rien à l’entrée. C’est une interrogation, une crainte. C’est le souterrain, la crypte, la caverne. Et la nuit, il y a les draisines, sortes d’animaux métalliques qui réparent tout bruyamment et qui chantent, le chant de fer. Et puis il y a les nouvelles rames Azur, qui prennent le relai des premières rames, cinquante ans plus tard.

Dans cette pièce, il y a aussi des sons de l’octobasse nouvellement arrivée à l’OSM et que cette pièce est la première à utiliser.

Enfin, un souvenir, celui de mon premier concert avec Kent Nagano à la direction. C’était avant qu’il ne déménage à Montréal. Il dirigeait la 9e de Mahler, une de mes œuvres fétiches. On en retrouvera des échos ici.

Tunnel azur a été réalisée en 2016 dans le studio du compositeur à Montréal (Québec) et créée en version stéréophonique le 11 août 2016 lors du concert extérieur L’orgue fait son cinéma… sous les étoiles au Parterre du Quartier des spectacles à Montréal (Québec) et en version multipistes les 20, 22 et 23 octobre 2016 à la Maison symphonique de Montréal (Québec). Tunnel azur est une commande de la Société de transport de Montréal (STM), pour le 50e anniversaire du métro, et de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM). Elle fait écho à la pièce de José Evangelista, Accelerando, commandée pour la même occasion. Merci à Marianne Perron de l’OSM, à Marie-Ève Masson-Guérette de la STM et surtout, pour les prises de son, à Eric Chappel, nouvel octobassiste de l’OSM. »

© 2016 Normandeau (SOCAN)
Œuvre éditée par YMX Média (SOCAN)

Apprenez-en davantage sur la composition de Tunnel azur en lisant cette brève entrevue. 


Brève entrevue : Robert Normandeau parle de sa composition « Tunnel Azur »

« Quels sont, selon vous, les défis que pose l’écriture d’une œuvre électroacoustique destinée à un public habitué aux concerts symphoniques? »   

Robert Normandeau : Je ne sais pas!

Je ne vais plus très souvent aux concerts symphoniques, alors il m’est difficile de savoir à quoi ce public ressemble ni ce à quoi il s’attend. Je pense que malheureusement il s’est fait une sorte de clivage entre les publics de la musique depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, où on a sorti des maisons symphoniques la musique qui se compose aujourd’hui, pour la confiner dans des temples de musique contemporaine, fuis par le grand public. Or on sait qu’on pourrait relire les critiques du temps des romantiques, par exemple, et se rendre compte que leur public était aussi effrayé par leur musique que celui d’aujourd’hui.

La nouveauté est dérangeante, car elle livre un message inédit, des sonorités nouvelles, des perspectives originales sur le monde sonore. Et aujourd’hui, nous vivons plus que jamais dans un monde sonore bruiteux, riche et dense. Il est normal que celui-ci se retrouve dans une salle de concert.

Messiaen disait que la seule vraie nouveauté de la musique du XXe siècle est la musique électroacoustique. Elle est très certainement la musique la plus fidèle à son temps. Donc une partie du public se reconnaitra dans ma proposition, une autre probablement pas.

Je ne peux pas en tenir compte dans mon travail de composition.

Je vis au XXIe siècle, comme les gens qui vont s’installer dans la salle le soir du concert. Je leur propose un parcours original, audacieux pour certains peut-être, mais dans lequel je leur propose de se reconnaître. Certains consentiront à l’effort, d’autres pas, chacun est libre de faire cette démarche.

J’ai cependant essayé d’inclure dans cette nouvelle œuvre différents éléments musicaux auxquels le public de l’OSM peut s’identifier: de la musique symphonique, le son du métro, des sons de l’octobasse, le nouvel instrument qui sera dévoilé lors des concerts du mois d’octobre.

« Quelles contraintes viennent avec la commande d’une oeuvre? Comment arrivez-vous à concilier ces contraintes et vos habitudes de création? » 

Robert Normandeau : J’ai mis en place un scénario, une sorte de cinéma pour l’oreille, qui met en scène les différents éléments de la commande et d’autres que j’y ai ajoutés.

La commande était au sujet du métro, de son cinquantième anniversaire. Je l’ai accepté avec plaisir, tant le métro me semble iconique d’une ville moderne, surtout dans un pays avec un climat comme le nôtre. Et bien que je ne sois pas né à Montréal (je suis originaire de Québec), j’ai connu le métro pratiquement depuis ses débuts puisqu’avec mes parents, nous sommes venus au moins une dizaine de fois visiter l’Expo 67 (j’avais 12 ans).Or nous faisions du camping sur la Rive-Sud et pour nous rendre sur le site, nous prenions le métro à Longueuil.

Donc il y a le métro comme acteur principal. Celui des débuts, les rames MR63 et MR73 et les nouvelles rames Azur. Puis il y a les draisines, ces machines motorisées utilisées la nuit par les ouvriers pour faire l’entretien du métro. On n’a pas idée de la vie nocturne souterraine du métro! J’ai eu la chance de vivre cela et de l’enregistrer.

Or bien que le métro de Montréal soit sur pneumatique, et en cela, il est relativement silencieux, les draisines circulent plutôt sur les rails métalliques du métro. Et elles chantent!

Je ne vois pas la commande comme une contrainte, mais plutôt comme une occasion de fabriquer un monde sonore auquel je n’aurais peut-être pas pensé de manière autonome.

J’ai fait cela pendant vingt ans en composant des musiques de scène pour le théâtre par exemple. Ici, il fallait que je fasse écho au fameux trio sonore généré par les anciennes rames au moment de leur départ (dans les rames Azur, c’est le son d’ouverture des portes qui le remplace).

Donc, j’ai intégré ces sons dans ma pièce en accordant tous les autres à ceux-ci, afin d’assurer une intégrité harmonique à l’ensemble. Ces trois notes ne correspondent pas au système tonal actuel, elles ne sont donc pas jouables exactement par l’orchestre par exemple.

Mais dans ma pièce, elles sont exactement à la bonne hauteur. Si je n’avais pas eu cette contrainte, peut-être que je ne serais pas passé par cette étape d’accordage supplémentaire, qui m’a demandé pas mal de temps. Mais aujourd’hui, je suis très content du résultat.

J’ai aussi voulu rendre hommage à Kent Nagano dans cette œuvre, car il m’a donné un de mes meilleurs souvenirs musicaux des vingt dernières années.

J’étais allé entendre la 9e symphonique de Gustav Mahler dirigé par lui avant qu’il ne devienne le directeur artistique de l’OSM. J’avais eu la chance d’avoir une très bonne place et si mon souvenir est exact Maestro Nagano dirigeait l’œuvre de mémoire. Il faut savoir que je suis un admirateur inconditionnel de l’œuvre de Mahler. Or c’était la première fois que je réalisais pleinement que l’orchestrateur exceptionnel qu’était le compositeur avait développé une écriture de l’espace orchestral en développant une écriture de registres et de timbres qui se conjuguent et se déploient à travers la disposition scénique des instruments.

Les timbres se déploient littéralement dans l’espace.

Impossible de percevoir cela au disque.

Ma pièce est structurée autour du premier mouvement de la 9e symphonie dont elle emprunte le parcours énergétique et la matière timbrale en les redéployant sur une durée presque trois fois moindre (le premier mouvement fait presque trente minutes alors que ma pièce n’en fait que dix).

Peut-être que ces moments symphoniques rallieront le public de L’OSM…

Propos recueillis par Paul Bazin

Vidéos

Regardez une entrevue de Robert Normandeau (en anglais).

Écoutez son œuvre Tangram, datant de 1992.

Enregistrements

Robert Normandeau étant un compositeur de musique électroacoustique, sa musique trouve naturellement son support premier sur disque. Il existe donc un très grand nombre d’enregistrements consacrés à ses œuvres. Rendez-vous le site internet de l’étiquette ElectroCD, sur lequel se trouve une liste exhaustive des enregistrements de la musique de Robert Normandeau.

Littérature

STEENHUISEN, Paul. « Robert Normandeau », dans Sonic Mosaics : Conversations with composers. Edmonton, University of Alberta Press, 2009.