CARMINA BURANA
PARTENAIRE DE SAISON
Maison symphonique de Montréal
PRIX DES BILLETS
19h00
20h00
20h00
14h30
Orchestre symphonique de Montréal
Kent Nagano, chef d’orchestre
Aline Kutan, soprano
Frédéric Antoun, ténor
Russell Braun, baryton
Chœur de l’OSM
Andrew Megill, chef de chœur de l’OSM
PROGRAMMATION :
Ligeti, Concert Românesc (approx. 13 min.)
Orff, Carmina Burana (approx. 65 min.)
Vous avez 34 ans ou moins?
Jeudi 8 septembre : Événement de réseautage du Club des jeunes ambassadeurs de l’OS
SÉRIE DE CE CONCERT: LES GRANDS CONCERTS
NOTES DE PROGRAMME
Quelquefois, la fiction historique s’avère si exaltante et haute en couleur qu’elle dépasse la réalité. Dans le présent programme, les rythmes, les airs et les langages de l’Antiquité se conjuguent avec des personnages et des musiques d’un passé fantasmé tel que conçu par deux compositeurs du 20e siècle, avant et après la Seconde Guerre mondiale. Le Concert Românesc de Ligeti met en valeur les reliefs et l’esprit de la Roumanie, patrie de l’artiste, dans un mode d’expression assurément contemporain. Avec les Carmina Burana, en réinventant par la musique les textes d’un manuscrit ancien, Carl Orff nous plonge dans les excès charnels des rituels et des mœurs de la société médiévale.
GYÖRGY LIGETI
Né à Târnăveni, en Roumanie, le 28 mai 1923. Mort à Vienne le 12 juin 2006.
Concert Românesc
En 1948, György Ligeti apprend, à l’Institut du folklore roumain de Bucarest, l’art de transcrire des chants folkloriques traditionnels à partir d’enregistrements sur des cylindres de cire. L’expérience l’habite encore fortement quand, trois ans plus tard, il se met à l’écriture du Concert Românesc. Remplie de rythmes saccadés et accentués, d’évocations de paysages pastoraux et d’harmonies modales, l’œuvre s’inscrit résolument dans la tradition symphonique inspirée du folklore telle qu’établie avant lui par Bartók et Enesco. Comme eux, Ligeti n’hésite pas à amalgamer des musiques folkloriques à proprement parler avec du matériel de son invention, ce qu’il juge conforme à l’esprit du genre.
Bien que, l’année même de sa composition, l’œuvre ait fait l’objet d’une prestation privée à l’occasion d’une répétition d’orchestre à Budapest, elle ne sera jouée en public que plusieurs années plus tard en raison d’impératifs politiques dans la Roumanie natale de Ligeti. Quiconque connaît les oeuvres plus tardives du musicien trouvera cette pièce, une de ses premières à s’inspirer du folklore, étonnamment abordable… ce dont les censeurs communistes de l’époque n’étaient pas convaincus. D’après Ligeti, le Concert Românesc fut frappé d’interdit presque uniquement à cause d’un fa dièse qui aurait été hors de propos dans le 4e mouvement, causant une dissonance plutôt mordante dans le contexte d’un mouvement en fa majeur – situation que le compositeur décrit comme « la camisole de force des normes du réalisme socialiste ». Au moment de la première exécution publique (en 1971, à Fish Creek, au Wisconsin), Ligeti est déjà une grande célébrité : sans qu’il l’ait cherché, quatre de ses œuvres avaient figuré, en 1968, dans le film à succès de Stanley Kubrick : 2001, l’Odyssée de l’espace.
L’Andantino s’ouvre sur une mélodie fluide énoncée par les cordes dans le registre moyen. Des intervalles harmoniques de quartes et de quintes successives ramènent à l’esprit la musique ancienne et les traditions folkloriques. S’enchaîne alors une danse rapide et contrastante : les tambours et le fifre (ici représenté par le piccolo) y rappellent les fanfares tandis que des accents asymétriques et divers solos instrumentaux évoquent une danse folklorique. Une note tenue à la clarinette sert de lien avec le troisième mouvement. Au milieu des trémolos des cordes, les cors jouent des intervalles naturels comme les ferait entendre un cor des Alpes sorti tout droit des régions montagneuses d’Europe. Un appel de trompette et un claquement sonore déclenchent le quatrième mouvement dans une tornade de motifs souvent exécutés en imitation entre le violon solo et l’orchestre. Vers la fin, le cor des Alpes résonne de nouveau, soutenu par les cordes qui jouent en harmoniques : on croirait entendre des chants d’oiseaux et de grillons dans la prairie.
CARL ORFF
Né à Munich le 10 juillet 1895. Mort à Munich le 29 mars 1982.
Carmina Burana
On considère généralement les Carmina Burana comme le nec plus ultra de la musique symphonique et chorale dans le style grandiose. Son auteur, Carl Orff, est célébré tant pour cette œuvre maîtresse aux proportions colossales que pour ses méthodes pédagogiques révolutionnaires, adoptées partout dans le monde par les écoles publiques pour leurs programmes de musique. Un orchestre et un chœur énormes, une distribution séduisante de solistes chantant dans un véritable fatras de langues européennes anciennes et surtout la combinaison fascinante d’aigu et de grave, de lumière et d’ombre, de comédie et de tragédie caractérisant l’œuvre de bout en bout, voilà les éléments qui font des Carmina Burana l’un des succès les plus durables du 20e siècle.
Terminée en 1936 et créée à l’Opéra de Francfort le 8 juin 1937, cette cantate connaît un retentissement immédiat et grandissant dans toute l’Allemagne, en dépit de la montée des tensions qui culmineront avec la Deuxième Guerre mondiale. Constituée de 25 mouvements pour chœurs et orchestre, sans indications précises de décor ou de mise en scène, basée sur les versets d’un codex médiéval traitant de sujets profanes – y compris les plaisirs de la chair –, l’œuvre continue aujourd’hui d’exercer sa fascination. L’ouverture « O Fortuna » est utilisée dans une multitude de films et d’annonces publicitaires au point de devenir une référence culturelle associée aux événements dramatiques, tout en conservant une puissante emprise sur l’imagination collective. Orff lui-même était conscient qu’il venait de créer une pièce à succès. En témoignent ces lignes à son éditeur peu de temps après la première : « Tout ce que j’ai déjà composé et que vous avez malheureusement imprimé peut être détruit. Les Carmina Burana marquent le début de mes œuvres complètes. »
La Roue de la Fortune est au cœur du propos : ce qui monte doit redescendre, et tout ce qui est bon doit un jour se pervertir — sombre prédiction, assurément. Les mouvements successifs proposent des textes où cohabitent le latin ancien, le moyen haut-allemand et l’ancien provençal ; le chœur y disserte sur la boisson, le jeu, la gloutonnerie, la luxure, et le cycle inéluctable qui ramène chaque année, d’une manière ou d’une autre, la renaissance et le printemps. Les solos pour soprano, ténor et baryton exploitent au maximum les limites de la voix naturelle, exprimant une tension physique et émotionnelle par l’utilisation du registre aigu. Mentionnons le « Dulcissime » pour soprano, un air venu de l’au-delà sur les épanchements d’un nouvel amour et l’« Olim lacus colueram » pour ténor, devant être chanté presque entièrement en falsetto, pour traduire l’angoisse d’un cygne à l’idée d’être rôti sur une broche ! Des moments frivoles surgissent lorsqu’un moine imagine échanger toutes les richesses du monde contre une seule nuit avec la reine d’Angleterre, ou que l’abbé de Cucanie, à un jeu de hasard, dépouille un compagnon de ses vêtements. Des chansons à boire paillardes empruntent les rythmes familiers de la polka tandis que des références au chant grégorien pointent ailleurs vers une piété sincère. Le printemps voit fleurir la romance : au départ, la section intitulée « Cour d’amours » met en scène un homme timide et frustré en compagnie d’une coquette dame : ils se font la cour, d’abord avec prudence, mais leurs sentiments se transforment en un véritable amour glorieux et le chœur chante les louanges de Vénus.
Cependant, la Roue de la Fortune continue de tourner ! Qui peut prétendre que l’amour durera toujours ? Que l’été ne cédera pas à l’hiver ? Le cycle se poursuit… et les Carmina Burana se terminent sur un sérieux avertissement :
Ô Fortune! Comme la Lune, tu es changeante…
Traduction : © Hélène Panneton pour Le Trait juste
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