Réconcilier le romantisme russe et la musique contemporaine américaine


C’est à de saisissants contrastes musicaux – en un même concert – que nous invite l’OSM début novembre. Deux compositeurs que presque tout oppose, le Russe Rachmaninov et l’Américain John Adams, seront réunis sous la baguette de Kent Nagano.

Les œuvres interprétées lors du concert Kent Nagano dirige Rachmaninov et Adams ne sont pas si distantes dans le temps : à peine une cinquantaine d’années les séparent. Rachmaninov a composé sa Rhapsodie sur un thème de Paganini, op. 43, en 1934. Les compositions de John Adams, Common Tones in Simple Time et Harmonielehre, datent respectivement de 1979 et 1985.

 

À l’écoute, cependant, on sent bien le saut d’un siècle de Rachmaninov à Adams.

 

L’œuvre de Rachmaninov n’évoque en effet ni la dépression des années 30, ni l’approche de la deuxième guerre mondiale, mais bien plutôt le romantisme de la Russie tsariste de la fin du XIXe siècle. Depuis l’exil de Rachmaninov aux États-Unis juste après la révolution russe de 1917, l’inspiration du compositeur semblait s’être tarie. C’est qu’il n’avait guère de temps pour la composition. Pour faire vivre sa famille, le pianiste virtuose enchainait les tournées de concerts à un rythme effréné.

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Il retrouve l’inspiration alors qu’il passe ses étés en Suisse, dans une villa en bois qui lui rappelle la propriété familiale de sa jeunesse. Pour sa première composition hors de Russie, Rachmaninov n’embrasse pas les dernières tendances musicales. Il se tourne plutôt vers l’air célèbre du Caprice pour violon seul n° 24 de Paganini pour l’adapter au piano. Brahms ayant déjà écrit des variations sur ce thème soixante ans plus tôt, Rachmaninov baptise sa composition Rhapsodie sur un thème de Paganini. Mais l’oeuvre ressemble à un concerto pour piano.

 

La virtuosité d’interprétation qu’elle exige n’a d’égal que le charme qu’elle dégage. Elle remporte un grand succès auprès d’un large public. La 18e variation, tout particulièrement, dans laquelle Rachmaninov inverse l’ordre des notes de Paganini, se retrouve dans nombre de compilations de musique classique. On la reconnaît aussi dans plusieurs films, dont Le jour de la marmotte.

 

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Musique minimaliste à dimension symphonique

 

L’Américain John Adams, au contraire, est un compositeur bien de son temps. Depuis le succès international de son opéra Nixon in China, ses compositions s’inspirent d’ailleurs souvent des grands drames de notre temps, de la création de la bombe atomique aux attentats du 11 septembre 2001.

 

Adams a été séduit dès sa jeunesse par la musique minimaliste, répétitive, qui émerge dans les années 60 aux États-Unis. Common Tones in Simple Time, sa première œuvre orchestrale, est l’une des premières à adapter la musique minimaliste à la richesse sonore d’un orchestre. Adams le fait de façon très progressive, découvrant lentement de nouvelles harmonies, jusqu’à couvrir une gamme de sons très aigus et très graves. (Les graves profonds seront d’ailleurs rendus grâce à la déjà célèbre octobasse de l’Orchestre symphonique de Montréal.).

 

À la musique contemporaine minimaliste, Adams apporte un enrichissement symphonique. On l’entend bien dans Harmonielehre. Le titre de l’œuvre fait d’ailleurs référence à la combinaison de l’harmonie aux principes minimalistes. En trois mouvements très différents, Adams nous amène de la répétition rapide d’une note, jusqu’à une envolée d’inspiration post-romantique pleine de couleurs et d’émotions.

 

La richesse d’Harmonielehre a inspiré un film musical et immersif, présenté à la Société des arts technologiques (SAT) du 17 au 27 octobre.

Le concert Kent Nagano dirige Rachmaninov et Adams sera donné à la Maison symphonique de Montréal les mercredi 1er novembre, jeudi 2 novembre et samedi 4 novembre, chaque soir à 20 heures. Le pianiste Russe Alexei Volodin, qui a déjà endisqué d’autres pièces de Rachmaninov, jouera comme soliste. Pour fêter les 70 ans de John Adams, le concert sera enregistré pour la production d’un album sous étiquette Decca.